Une lettre de l’École
des Andelys repliée à Béziers.
Lors
du conseil municipal de la ville des Andelys du 23 octobre 1943,
Monsieur
le maire donne communication d’une lettre de M. Sarrazin, directeur de l’Établissement
d’éducation des Andelys, replié à Béziers, lui adressant l'ordre du jour
suivant :
“
En prenant aujourd’hui la direction effective de l’Établissement d’éducation
des Andelys, je salue la mémoire des anciens élèves morts pour la Patrie ;
j’adresse un souvenir ému aux professeurs et aux cadres d’autrefois, dont
l’enseignement exemplaire et le zèle désintéressé ont su créer d’abord, puis
maintenir et propager, l’esprit de corps dont les enfants de troupe sont si
fiers ; je songe aussi, non sans mélancolie, à la ville martyre des Andelys
marraine de l’École qui, malgré ses récents malheurs, n’oublie pas la
turbulente mais enthousiaste jeunesse qui animait ses rues et qui, je le sais
par les rapports d’amis fidèles, attend avec impatience son retour ; je
m’incline enfin devant le drapeau de l’École, symbole glorieux de tous les
sacrifices consentis par les successive générations d’élèves, âme vivante et
collective de ce que la France possède
de meilleur.
Et
voici venu le moment ou, sans l’avoir recherché m’échoit le redoutable honneur
de poursuivre l’oeuvre de mes prédécesseurs et dans des circonstances
exceptionnelles, ou les difficultés accumulées nécessitent une vigilance de
tous les instants.
Au
plus fort de la tempête qui secoue le navire et menace de le briser contre les
écueils, j’ai reçu la mission de lui servir de pilote et de le conduire à bon
port. Cette mission, je suis décidé à la remplir.
Mais
je me sentirais impuissant, si je ne pouvais espérer trouver parmi mes
collaborateurs, à quel degré de la hiérarchie qu’ils appartiennent, le
dévouement absolu qui, seul dans une période critique, vient à bout des
obstacles.
Je
compte également sur le cœur généreux des élèves, sur leur compréhension des
événements qui bouleversent le monde, pour rendre plus aisée une tâche dont
dépend le sort de l’École, pour se préparer, dès maintenant, grâce à leur
travail intelligent et à leur esprit de discipline, au rôle de restaurateurs de
la France meurtrie et à lui rendre le rang auquel elle a droit parmi les
grandes nations.
Donc,
tous à l’ouvrage, tous derrière moi dans un sentiment d’union et de concorde et
l’École vivra.”
Signé:
A.Sarrazin
Directeur
Le
Conseil donne acte à Monsieur le maire de cette communication.
Et
après en avoir délibéré, décide à l’unanimité de demander à M. le Préfet de
bien vouloir être son interprète auprès de MM les sous-secrétaires d’État à l’Éducation
nationale et à la Guerre en vue d’obtenir le retour rapide en notre ville de l’Établissement
d’éducation des Andelys replié à Béziers et de l’ouvrir aux enfants de notre
malheureuse population civile si durement éprouvée par la guerre ; faisant
ainsi cesser la situation paradoxale d’une sous-préfecture constituant un
centre d’attraction important privé de tout moyen d’instruction (mot
supprimé) ou primaire supérieure. Les moyens de communications précaires de
notre époque rendent cet état de choses plus génant que par le passé,
obligeant à envoyer les enfants dans de grands centres urbains où ils sont
exposés aux risques de la guerre et entraînant pour les parents des frais
auxquels ils ne sont pas toujours en mesure de faire face.
Conseil municipal du 23 octobre 1943
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.