1888 : Des polémiques et une tentative de suicide ...

Des polémiques.
En mai, L'Impartial des Andelys s'en prend une nouvelle fois à son concurrent et adversaire politique Le Journal des Andelys:
"On nous a reproché d'avoir mollement conduit la campagne jusqu'au 6 mai et d'avoir laissé passer les mensonges du Journal des Andelys sans les relever, sans protester. Cette ligne de conduite avait été adoptée par nous pour plusieurs raisons qui n'existent plus aujourd'hui. J'ai le sentiment que la majeure partie des membres du comité républicain, après avoir écrit qu'il fallait traiter par le mépris les élucubrations des rédacteurs anonymes du Journal des Andelys, s'est modifié en ce sens que le public paraissant s'être abusé sur les véritables motifs de notre silence, il y avait de faire la lumière sur les attaques de nos adversaires et mettre le nez du Journal des Andelys dans les vilaines choses qui émaillent de ses colonnes. Le Journal des Andelys a prétendu qu'il n'avait pas traité les enfants de troupe d'étrangers. Voici l'extrait d'un article du 29 juillet : "Vous vous dites républicains, travaillant pour le peuple, rien que pour le peuple, et vous ne songez même pas aux enfants du pays. Vous nous faites payer pour les enfants étrangers et le Petit Andely attend toujours ses maisons d'école et une salle d'asile."

On peut penser qu'ils étaient étrangers à la commune..."

Mais ce n'est pas tout:
"Le Journal des Andelys avance que l'école des enfants de troupe ne rapporte que 6000f à la ville. Nous ne savons pas où il a pêché ce chiffre. Nous savons, nous, de source sûre, que l'école a laissé dans le commerce local, du mois d'octobre au mois dernier, plus de 80000f indépendamment des droits perçus à l'octroi sur les approvisionnements de l'école. Mais soit! acceptons le chiffre de 6000f par an inventé par ces messieurs du Journal des Andelys. L'école ne compte maintenant que 150 enfants. Quand elle en aura 500 avec un personnel correspondant, elle produira bien trois fois plus, c'est-à-dire au moins 18000f. Or l'école coûte à la ville 22800f d'impôts. En déduisant ce qu'elle va rapporter de ce qu'elle coûte d'impôts, nous arrivons à un excédent de dépenses de 4800f par an approximativement, mais pendant 26 ans seulement au bout desquels elle profitera des 18000f de revenus et les encaissera net. Qui donc, après cette démonstration faite avec les chiffres de nos adversaires osera prétendre que les 800 pétitionnaires et ceux qui les ont suivis étaient des insensés? Mais vous, messieurs de la réaction, pendant que vous déteniez le pouvoir, non comme les élus du suffrage universel, mais comme un défi, jeté à la population de la ville, mais vous messieurs de la commission municipale, n'avez-vous pas, profitant de votre court passage aux affaires, voté le 25 mars 1874 la construction d'un presbytère qui laisse encore à la charge de la ville le logement des vicaires? Et combien a coûté ce presbytère, s'il vous plaît? N'a-t-il pas dépassé 40000f? passons. Des affiches ont été apposées à la dernière heure, manœuvre indigne, dans lesquelles on faisait ressortir sans explications les différences d'impôts payés avant la guerre et depuis à différentes époques, sans tenir compte de ce fait qu'à la suite de la guerre nous avons dû payer 5 milliards à l'Allemand amené par l'Empire et sans faire de distinction entre les impôts revenant à l'État, ceux revenant au département et ceux de la ville. Ce truc, si ingénieux qu'il soit, a été éventé, et l'auteur de cette oeuvre remarquable de statistiques peut être renvoyé à ses feuilles d'impôts. Il y lira que l'impôt établi  pour l'école d'enfants de troupe des Andelys équivaut à une augmentation de 13f pour 100f, pas un centime de plus. Nous le mettons au défi de nous contredire. Voilà, nous l'espérons une question vidée, et le public a tous les éléments d'appréciation nécessaires pour être éclairé une fois pour toute."

Quant aux pétitionnaires et à ceux qui les ont suivis, ces insensés, une réaction de L'Impartial:
"A la Réaction
Le Journal des Andelys ayant visé dans un de ses derniers articles la question de l’école des enfants de troupe, nous ne sommes pas fâchés de mettre le nez des gogos  qui inspirent et rédigent cette feuille dans leurs sottises.
Nous n’avons pas besoin de revenir sur les origines de cette affaire ; tout le monde se rappelle que, si l’école a été votée par le conseil municipal, c’est à la suite d’une pétition de plus de 800 électeurs de cette ville, et d’une manifestation qui s’est produite le jour où le conseil était réuni dans le but de statuer sur l’adoption ou le rejet de l’école et des dépenses qu’elle devait entraîner.
Il est vrai de dire qu’un conseiller municipal réactionnaire dans cette même séance a dit que ceux qui avaient signé la pétition n’avaient pas su ce qu’ils avaient fait - que c’étaient des idiots. Idiot aussi, alors, celui qui a écrit cette lettre que nous avons déjà mise sous les yeux de nos lecteurs :

Lettre de M. Passy
Le 2 avril 1883
“Monsieur le Maire,
Je vous remercie d’avoir bien voulu faire appel à mon concours en faveur du projet d’une école d’enfants de troupe auquel le conseil municipal vient d’accorder une large subvention. Je chercherai à suivre heureusement cette affaire, avec mes collègues de la députation qui seront libres de tout autre engagement, et j’aurai l’honneur de vous en rendre compte.
Veuillez agréer… etc.
Signé Louis Passy”

Idiote aussi sans doute aussi la majorité du Conseil général qui a voté dans sa séance du 23 avril 1884 les conclusions du rapport suivant :

Extrait des délibérations du Conseil général:
“Sur la demande présentée au sujet d’une subvention du département pour aider la ville des Andelys dans la création d’une école d'enfants de troupe, votre commission estime que les finances du département permettraient difficilement d’entrer dans cette voie et que d’ailleurs l’avantage qui résulterait pour la ville des Andelys de ladite création devra la rémunérer largement des sacrifices qu’elle consent à s’imposer.
 -Ces conclusions sont adoptées-”

Si nous faisons ces citations, ce n’est pas tant pour défendre le projet de l’école d'enfants de troupe, qui comme toute chose en ce monde a ses adeptes et ses détracteurs, qui a déjà été jugée par la population puisque les dernières élections municipales se sont faites sur cette plate-forme électorale qui, n’eût-il que celui-là, a le mérite au moins de nous avoir aidés et de nous aider encore dans la plus grosse des affaires qui nous intéressent : celle du chemin de fer !

Mais nous voulons démontrer à tous les gens sans parti pris combien les réactionnaires selon les temps et les lieux diffèrent avec eux-mêmes d’opinion sur l'école d'enfants de troupe et quelle a été la bonne foi de leur chef reconnu de l’arrondissement quand, ayant promis de suivre heureusement cette affaire, il l’a fait combattre dans tous les journaux, par tous ses partisans avec une âpreté que nous aurions comprise autrement,  puisqu’il s’agit d’ériger une école qui recevra le enfants du peuple avec un but d’en faire, par un enseignement spécial, les officiers de l’avenir !

Ah ! s’il s’était agi d’une école destinée aux « cadets », si distingués de nos familles châtelaines, s’il s’était agi d’un séminaire ou de quelque autre établissement privilégié de ce genre, si même seulement l’idée et l’initiative de l’école d'enfants de troupe leur eussent appartenu, tout autre eût été leur langage, à MM. les réactionnaires !

Ils n’ont pas voulu attendre l’ouverture et la mise en exercice de cette école pour en juger les résultats, soit ; mais sans aller jusque là – ce qui eût été prudent de la part de nos adversaires – nous pouvons montrer dès maintenant les services que la possession de cette école a rendu à la ville des Andelys.

M. Dumesnil a beau se réclamer des convocations qu’il a faites en 1869 pour s’occuper du chemin de fer, nous pouvons lui rétorquer que ces appels aux électeurs sont d’un autre temps et que les entretiens qu’on a pu avoir en 1869, sous l’Empire, sur cette question, n’ont pas été d’un secours bien efficace sur le vote que le Parlement de la République, qu’il combat,  a émis en 1885 et en 1886. Nous extrayons du rapport à  la suite duquel la Chambre s’est prononcée quand elle a voté la loi qui nous concerne le passage suivant :

“Vote du chemin de fer
La ville des Andelys renferme plusieurs usines et manufactures et est située au centre d’une riche contrée agricole. De plus, elle a demandé et obtenu en remplacement de Bayeux l’école d'enfants de troupe de la 3e région et accordé à cet effet une subvention de 600 000 frs.”

Et maintenant voici quelque chose de récent. Nous n’en aurions pas parlé si nos adversaires ne nous avaient mis imprudemment dans la nécessité de le faire.
         
Voici le texte d’une lettre adressée du ministère de la Guerre du 17 juillet courant à monsieur le maire qui nous en a donné connaissance et nous a autorisés à la publier :

“Ministère de la Guerre
Paris 17 juillet
Monsieur le maire,

J’ai l’honneur de vos informer que la dépêche signalant à M. le ministre des Travaux publics l’utilité de la ligne des Andelys à Saint Pierre de Vouvray a été envoyée aujourd’hui même.
Veuillez, etc.

Signé général Richard”

Dites donc après cela, si vous l’osez, MM. de la réaction,  que le ministère de la Guerre ne s’est pas préoccupé du chemin de fer ! Dites qu’il n’a rien fait et que ce sont les députés et le conseil général opposés au gouvernement qui ont tout obtenu de lui !
Nous n’avons pas à compter sur votre bonne foi, Messieurs, mais il y a des faits devant lesquels il faut s’incliner, et ici nous n’avançons que des faits acquis contre lesquels ni votre chef, ni votre candidat, ni vous ne pourrez réagir dans l’opinion de ce pays, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez.


Le chemin de fer encore...
Compte rendu d'une audience de décembre auprès du ministère de la Guerre, audience demandée par Messieurs Papon et Milliard:

"Monsieur Milliard, député, a exposé l'objet de la visite. Il a rappelé les sacrifices faits par la ville pour la construction de l'école d'enfants de troupe et l'intérêt militaire qui commandait la prompte exécution du chemin de fer. Il a sollicité l'avis favorable du général Haillot, président de la commission des chemins de fer. Le général Haillot a promis de faire étudier la question. "Nous avons, a-t-il dit, beaucoup de lignes stratégiques à exécuter, la ligne des Andelys n'a pas d'intérêt au point de vue stratégique, mais elle a un réel intérêt au point de vue militaire en raison de la création de l'école d'enfants de troupe. Je ferai mon possible pour la comprendre dans les lignes réclamées par le ministère de la Guerre, sans prendre toutefois d'engagement formel à cet égard, la décision dépendant de la commission des chemins de fer."

Du ministère de la Guerre la délégation est allée au ministère des Travaux publics où elle a été reçue par le nouveau directeur des chemins de fer, Monsieur Gay, Messieurs Milliard et Papon ont exposé la situation. Le directeur des chemins de fer a franchement déclaré qu'il ne pouvait prendre un engagement formel, tout en promettant de faire tous ses efforts pour arriver à une solution favorable. "Nous sommes obligés de compter avec la commission du Budget, a-t-il dit; qu'elle se montre un peu plus facile, un peu plus généreuse, et nous pourrons vous donner satisfaction."
         
La commission ne rapporte ni le chemin de fer ni même la promesse de son exécution, mais il fallait prendre rang, il fallait ne pas se laisser oublié, il fallait rappeler les sacrifices de la ville des Andelys. Cela a été fait. On a posé encore une fois la question. Nous ne nous lasserons pas de la poser et nos représentants ne se lasseront pas de la suivre. Tant de persévérance finira par être couronnée de succès malgré les difficultés à vaincre."


La "vie" à l'école.
Le 16 octobre, vers deux heures et demie du matin, le sieur Villetart, Pierre Jules, 55 ans, casernier à l'école d'enfants de troupe, a tenté de se suicider en se tirant deux coups de revolver dans la tête. Cet homme a été transporté à l'hospice et jusqu'à présent les balles n'ont pu être extraites et le médecin n'a pu se prononcer sur la gravité de cette blessure. On doit attribuer à des chagrins de famille cette tentative de suicide que Villetart promet de renouveler si on le guérit. Une survie bien courte.

Fin février de l'année suivante, une nouvelle tentative réussit:

Bien qu'une seule balle ait pu être extraite, le blessé était en bonne voie de guérison, lorsque le malheureux avisant un vieux rasoir oublié sur une tablette le saisit et eut assez d'énergie pour se scier la gorge. Malgré les soins prodigués, il mourut et fut enterré quelques jours plus tard.

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