Lettre de Michel Vovelle à Francis Libessart en date du 4 janvier 2012.
Cher
colonel Libessart,
Je
vous écris au sortir d'une période assez tendue, où j'ai eu à subir de nouveaux
examens pour mon Parkinson, qui se révèle ne pas en être un, ce qui est un bien
mais je n'en cours pas plus vite pour cela. Tout cela pour expliquer que je
n'ai pu vous adresser qu'un bref message pour les collègues et vous-même. Je
pense que vous comprendrez – ce sont des choses assez dures, que de s'accrocher
– et vous prie de l'expliquer (avec doigté et réserve à nos amis).
Dans
ces jours, je suis tombé sur un paquet de photos anciennes que je croyais
égarées mais que je m'empresse de vous adresser car elles peuvent apporter un
éclairage inattendu pour votre chronique de l'EMP.
Il
s'agit des photos d'une des fêtes spectacles dans l'année 1959 où j'enseignais
à l'école comme appelé ( nov 58 – janvier 60 – puis l'Algérie – CITOM camp du
Lido – retour à l'EMP octobre 60 pour l'année comme militaire puis civil). Nous
étions toute une bande de jeunes profs dans cette situation 1 bonne année à
l'EMP puis l'envoi en Algérie avec retour : statut apprécié vous vous en
doutez. Nous étions jeunes sursitaires, pleins d'idées et de dynamisme. La
direction des Ecoles nous avait fait confiance et celle de l'école aussi –
militaires, le commandant Sino et le principal surtout, prenant le risque
d'avoir des éléments non conformistes, en échange de quoi nous avons joué le
jeu à fond, sans faire la révolution mais introduisant dans le corps professoral
civil jusqu'alors très sage et réservé un certain trouble avec la complicité du
principal et aussi de cadres militaires (le capitaine adjoint dont j'ai oublié
le nom, des adjudants mêmes …. Et aussi des élèves qui très vite ont apprécié
ces intrus qui ne pleuraient pas leur peine et apportaient plein d'idées
neuves. François Morand en montant la chorale avec un succès fou, Daleire et
moi-même (mais aussi les autres parmi lesquels il y eut plus tard mon frère
jumeau Jean, naturaliste) avons produit notre chef-d'oeuvre dans le lancement
d'une troupe théâtrale pour petits et grands, aux deux niveaux. Cela a été un
engouement fou.
Il
y avait aussi le professeur de dessin, un local Yvan Parrault, un ami généreux
et fidèle qui a fait des décors que vous pouvez admirer. Et la folie a été de
monter et de montrer à la ville ce spectacle, Monsieur de Pourceaugnac avec
choeur, ballet et orchestre pour les jeunes, et les Caprices de Marianne pour
les grands. Quelle idée, Musset pour les secondes ! Ils vibraient. Le
scandale avait été l'entrée des filles, révolution difficilement négociée, mais
Marianne était la fille du principal, une ou deux copines prêtées par le
collège. Et le tout sans aucun débordement, sous notre contrôle, le succès
déjouant les craintes pessimistes. Avec du chanvre nous avions fabriqué les
perruques de Monsieur de Pourceaugnanc, les jeunes étaient ravis. Cela a été je
crois un grand moment pour beaucoup, car nous en avions embauché pas mal, dans
les choeurs comme dans la troupe. François Moraud était capable de faire
chanter une cantate de Bach et les frères Jacques, et cela marchait.
Nous,
les jeunes profs nous avions nos vies et nos angoisses, et cet investissement
nous aidait. Nous avons eu nos vies aussi, et nos carrières diverses, brillantes
ou non. Je suis devenu historien, mon frère jumeau Jean Anatomie Comparée à
Paris 6. Pour nous ce havre de grâce de l'année des Andelys est devenu un
souvenir très cher. Et je garde gratitude aux cadres militaires comme aux
collègues civils qui m'ont accueilli ( et mes frères et amis).
C'est
pourquoi c'est avec émotion que je vous adresse ce souvenir de Noël retrouvé
dans mes archives.
Recevez
mon amical souvenir.
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