1937 (2) : La réforme de l'enseignement et les écoles militaires.

La réforme de l'enseignement et nos Écoles (militaires).

Articles parus dans le Journal des AET  de 1937 et 1938.

Depuis longtemps tous ceux qui ont médité sur le problème de l'Éducation nationale ont conclu que l'organisation actuelle devait être réformée. L'enseignement secondaire et l'enseignement primaire supérieur conduisent à une culture générale, mais dont des cloisons presque infranchissables les séparent, les débouchés offerts aux bacheliers sont souvent interdits à ceux qui ont le diplôme du brevet supérieur. Dans ces conditons l'orientation donnée à un enfant au début de ses études vers le collège ou vers l'école primaire supérieure peut décider de son développement et de sa situation future autant que son intelligence. Cette orientation est décidée souvent par le hasard de la situation de fortune des parents, de leur lieu de résidence. Nul ne saurait affirmer que ce soit là une excellente méthode qui procure à la Nation le maximum de profit. Il y a par ailleurs d'autres graves défauts sur lesquels nous reviendrons.
Sur le plan particulier des écoles militaires préparatoires, des progrès ont évidemment été accomplis depuis l'époque où les élèves étaient soumis à une formation intelectuelle et morale très étroite, recevaient une instruction très limitée de telle façon qu'ils pouvaient difficilement s'évader de la fonction à laquelle on les destinait, celle de sous-officier. J'oserai affirmer que ceux qui ont provoqué la réalisation de l'organisation actuelle ont bien mérité des enfants de troupe et des jeunes générations des anciens enfants de troupe. Cette organisation n'a d'ailleurs pas avantagé seulement une catégorie d'individus, elle a enrichi les cadres de la Nation par un meilleur développement des intelligences. Il y a peu de temps encore, l'enseignement dans nos écoles était systématiquement distribué au compte-gouttes. Actuellement elles forment un exemple de réalisation de ce qu'on a appelé, improprement, école unique. L'enseignement secondaire, l'enseignement primaire supérieur, l'enseignement technique sont organisés dans les E.M.P. Mais les portes sont largement ouvertes entre ces enseignements ; le développement convenable de toutes les intelligences, l'adaptation de chaque individu à la fonction qui lui convient le mieux, sont, autant que possible réalisés. Cette méthode ne doit-elle pas donner le meilleur rendement ? Aussi dois-je proclamer que l'organisation de l'enseignement dans les E.M.P. présente une nette supériorité sur l'organisation générale. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que les résultats de cette expérience soient magnifiques.
Mais des progrès sont encore à réaliser. Les auteurs de l'organisation actuelle n'ont pu qu'utiliser au mieux le cadre qui leur était offert. S'ils ont pu s'affranchir de quelques servitudes, d'autres qui tenaient à l'organisation générale les ont arrêtés dans la voie du progrès. Or le cadre va se modifier singulièrement.
Tous les membres de l'Association des A.E.T. penseront qu'il faut conserver l'avance qu'elles possèdent, qu'il faut même en s'adaptant aux nouvelles conditions qui seront imposées, l'augmenter. Or, je crois que ce sera possible, pour le bien des élèves de nos écoles en particulier, pour le bien de la Nation en général. Les principes qui ont assuré la supériorité de l'organisation des E.M.P., qui ne pourront être appliqués à l'enseignement en général, pourront en effet encore l'être chez nous.
Le problème étant ainsi posé dans sa généralité, pour le résoudre, il est nécessaire d'entrer dans plus de détails. Je rappellerai donc brièvement l'organisation générale actuelle de l'enseignement ; j'exposerai ensuite l'organisation actuelle des écoles militaires préparatoires. Je considérerai alors l'essentiel des projets de réforme générale de l'enseignement et plus particulièrement ce qui s'appliquera automatiquement aux élèves de nos écoles. Enfin et c'est là le but poursuivi, je vous dirai quelles modifications d'organisation spéciales aux écoles militaires préparatoires peuvent se prévoir et être suggérées aux autorités compétentes. Je serai particulièrement heureux si cet article d'introduction provoque chez les lecteurs, personnel des écoles militaires préparatoires, et du Prytanée où se rendaient nos meilleurs éléments, parents d'élèves, anciens élèves et aussi élèves encore en cours d'études, le désir de nous faire part de leurs idées au sujet du but que nous poursuivons.
Enfin, les enfants de troupe et anciens enfants de troupe apprendront, non sans quelque fierté, que l'expérience des écoles militaires préparatoires est considérée avec attention au ministère de l'Éducation nationale par la direction de l'enseignement du second degré ; que les résultats obtenus, que ceux qui le seront pourront servir à l'organisation générale. Inversement cet intérêt ne pourra que servir le développement harmonieux de nos écoles pour le plus grand profit des futurs A.E.T.

Organisation générale actuelle de l'Enseignement.
Les parents d'un jeune garçon, généralement mal informés, se préoccupent souvent trop tard des moyens d'instruction qui peuvent être utilisés par leur enfant. C'est que l'organisation générale actuelle de notre enseignement manque totalement de cohérence.
L'enfant commence-t-il ses études à l'école communale, l'instituteur le garde généralement jusqu'au certificat d'études qui est passé à douze ans. Puis, dans une école primaire supérieure, en quatre années : une année préparatoire où l'enseignement est encore donné par des instituteurs, trois années d'enseignement primaire supérieur, il est conduit au brevet, au concours d'entrée à l'école normale d'instituteurs ou au niveau correspondant. L'enseignement primaire supérieur se continue dans certaines écoles primaires supérieures et dans les écoles normales vers le brevet supérieur (trois années). Dans certaines écoles normales et au collège Chaptal, à Paris, une section, recrutée en général au concours, dite quatrième année (quatrième car elle suite les trois années du brevet supérieur), prépare au concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. Ce concours est en même temps la première partie du concours pour le certificat d'aptitude au professorat dans les écoles primaires supérieures et écoles normales. Au bout de deux années, un nouveau concours appelé seconde partie du concours pour le certificat d'aptitude dont je viens de parler, termine le cycle d'études.
L'âge final d'un élève qui ne trébuche jamais, ce qui est rare, est donc 22 ans. Le cycle est ponctué par les étapes : 16 ans, brevet élémentaire, entrée à l'école normale ; 19 ans, brevet supérieur ; 20 ans, entrée à l'Ecole de Saint-Cloud ; 22 ans, professorat. Il ressort de cet exposé, que ce cycle, après l'âge de 12 ans, semble entièrement consacré au recrutement des instituteurs et des professeurs d'écoles primaires supérieures et écoles normales. Cette destination fut sa raison d'être. Mais, tous les élèves de l'enseignement primaire supérieur ne sont pas devenus instituteurs ou professeurs d'enseignement primaire supérieur. Aussi, malgré la destination primitive, cet enseignement, en particulier jusqu'au brevet, constitue la formation intellectuelle reçue par une fraction importante de la population scolaire de notre pays.
Si les parents de notre jeune garçon se sont renseignés assez tôt, ou si l'enfant a commencé ses études dans les classes primaires d'un collège ou d'un lycée, à 10 ans, le jeune homme entre dans l'enseignement secondaire après un petit examen qui n'est guère qu'une formalité. Sept années d'études secondaires normales conduisent au baccalauréat. La formation reçue diffère de la formation primaire supérieure par les diplômes des professeurs qui sont licenciés ou agrégés ; par le fait que le but primitif est différent. Le côté technique, apprentissage du métier d'instituteur, n'existe pas.
Certains esprits ont prétendu trouver d'autres oppositions entre les deux modes de culture. On chercherait à former des têtes bien pleines plutôt que bien faites dans l'enseignement primaire supérieur, et l'inverse dans l'enseignement secondaire. Les langues mortes, grecque et latine ou, comme l'on dit souvent, les humanités ont d'ardents défenseurs. Cependant, au collège et au lycée s'est développé un enseignement que l'on a appelé moderne, sans grec ni latin et les résultats obtenus peuvent être comparés aux autres. Si on peut encore employer le mot primaire, avec le sens péjoratif que l'on sait, il doit se rapporter à un esprit plus qu'au fait d'une culture reçue au moyen de l'une ou de l'autre méthode.
Le baccalauréat ouvre les portes des facultés. Le bachelier entre directement à la faculté de pharmacie, à la faculté de droit, et même à la faculté de lettres. Il ne le fait pas souvent à la faculté des sciences. J'ajoute un mot à ce sujet parce qu'il se rattache à l'enseignement secondaire. Dans un certain nombre de lycées existent des classes, dîtes de mathématiques spéciales, qui groupent les meilleurs élèves scientifiques et les préparent aux concours d'entrée dans les grandes écoles scientifiques.
Enfin l'enseignement technique n'a guère été jusqu'à présent considéré comme une formation de culture. Il se juxtapose souvent à l'enseignement primaire supérieur, l'instruction générale n'y est guère développée. Des différences d'enseignement traduisent les différences de besoins professionnels de chaque région. Dernier venu, il se développe assez rapidement, son organisation se perfectionne chaque jour, la réforme générale de l'enseignement achévera de le placer sur le même plan que les autres.
Entre chaque méthode d'enseignement les passages sont difficiles quand ils n'ont pas été systématiquement obstrués. Ainsi l'élève d'élite embarqué dans l'enseignement primaire supérieur y perd du temps. Le brevet supérieur, acquis à 19 ans, ne lui donne pas les droits que lui aurait donnés le baccalauréat qu'il aurait obtenu à 17 ans. Il abordera l'enseignement supérieur avec du retard. Par contre l 'élève médiocre qui est dirigé vers l'enseignement secondaire peut ne pas arriver jusqu'au baccalauréat, après être péniblement passé d'une classe à une autre, à grands renforts d'examens de passage. Il aurait peut-être décroché un titre moins élevé et il se trouve absolument démuni de tout parchemin.
Je m'en tiendrai à ces généralités en ce qui concerne l'enseignement en général et j'arrive au cas qui nous intéresse ici, celui des écoles militaires préparatoires. Comment leur a-t-on adapté l'organisation générale. Je ne ferai pas l'histoire de cette adaptation. Voici seulement quelle est leur organisation actuelle.

Organisation scolaire actuelle des écoles militaires préparatoires.
On ne devient élève d'une école militaire préparatoire que si l'on remplit certaines conditions. Premièrement, une condition d'origine ; sont ayant-droit :
1er Par priorité (nous verrons plus loin comment joue cette priorité), les enfants de troupe dans la famille et les élèves de l'École Hériot (loi du 19 juillet 1884).
2ème Ensuite les fils de militaires et anciens militaires de carrière, les orphelins de guerre, les fils des militaires des réserves réformés avec pension (loi du 19 juillet 1884).
3ème Enfin, les fils de réservistes et anciens réservistes de toutes catégories (loi du 28 juin 1929). Cette dernière loi ouvre de très grandes écluses de recrutement. Cependant, soit que les E.M.P. ne soient pas biens connues du grand public, soit par le jeu de la priorité, le recrutement par cette troisième catégorie n'atteint que dix pour cent environ du recrutement total.
Secondement, une condition de titre : certificat d'études primaires élémentaires ou certificat d'aptitudes à entrer dans la classe de 5ème (enseignement secondaire).
Troisièmement, une condition d'âge : moins de 14 ans le 1er août de l'année d'admission.
Enfin, il faut réussir au concours annuel d'admission. Les épreuves sont examinées par les professeurs de l'École d'Autun qui connaissent le milieu primaire et le milieu secondaire. Le nombre des candidats en 1937 fut environ 3000, le nombre des places disponibles 700 environ. La sélection est donc assez forte. La priorité des catégories signalées ci-dessus joue de la manière suivante : l'examen des épreuves permet de juger que les 850 premiers par exemple sont jugés dignes d'entrer. On prend alors au-dessous de cette barre les ayants-droits de la première catégorie, puis ceux de la seconde, puis ceux de la troisième.
Aussitôt après avoir été jugé apte à devenir élève d'une école militaire préparatoire, une bifurcation se présente : des écoles d'enseignement général : les Andelys, Autun, Billom, Epinal ; et une école d'enseignement technique : Tulle. Iront à Tulle, les candidats ayant opté pour l'enseignement technique ou ceux qui ont été jugés aptes à ne recevoir que cet enseignement, ayant 13 ans révolu le 1er août. Sont dirigés également sur Tulle, les élèves âgés de moins de 13 ans à leur entrée dans les écoles d'enseignement général, y ayant effectué une année d'études et désirant poursuivre leurs études par l'enseignement technique. Ces diverses options relèvent le niveau et l'École de Tulle ne doit pas être considérée comme une école de seconde zone. Les directions prises par les élèves de Tulle, à leur sortie de l'École, montrent d'ailleurs l'estime que la direction de l'Artillerie leur témoigne.
La durée des études dans cette école technique est de 4 années. L'enseignement est à la fois général et technique. C'est le frère de celui qui est donné dans les écoles techniques dépendant du ministère de l'Éducation nationale. De même que dans ces dernières écoles, au bout de quatre années d'études, des examens de sortie peuvent conférer le diplôme d'élève breveté, le certificat d'études pratiques, le certificat d'apprentissage.
Les élèves ayant réussi aux examens de sortie sont dirigés sur des « Centres de Spécialisation » :
A Fontainebleau, pour l'artillerie métropolitaine et coloniale.
A Saumur pour la cavalerie et le train.
A Versaillespour le génie et les chars de combat.
Les élèves ayant échoué rejoignent des « Centres de Perfectionnement » :
A Autun pour l'infanterie métropolitaine et coloniale.
A Saumur pour la cavalerie et le train.
A Fontainebleau pour l'artillerie métropolitaine et coloniale.
A Versailles, pour le génie et les chars de combat.
Dans les centres de perfectionnement, les élèves de Tulle retrouvent le gros des contingents des élèves des E.M.P. d'enseignement général. La suite générale donnée à leur carrière est commune à tous. Aussi, j'envisagerai d'abord les écoles d'enseignement général.
Après avoir envisagé le cas de l'École de Tulle, je passe aux quatre écoles d'enseignement général : Les Andelys, Autun, Billom, Epinal.
Le jeune « enfant de troupe », arrivant dans l'une de ces écoles, grâce à son classement, y effectue généralement trois années d'enseignement primaire supérieur. Cependant, les élèves ayant moins de 14 ans le 1er suivant l'admission, peuvent, s'ils le désirent, être dirigés vers Tulle en première année de l'enseignement technique.
Après les trois années d'enseignement primaire supérieur, l'École des apprentis mécaniciens de l'aéronautique de Rochefort s'ouvre, sans concours, à ceux qui ont 16 ans révolus et moins de 17 ans le 1er août. C'est une porte ouverte vers l'Armée de l'air. Mais la voie normale dirige les élèves à la fin de ces trois années, vers le brevet d'enseignement primaire supérieur (B.E.P.S.) qu'il ne faut pas confondre avec le  brevet élémentaire. Les élèves les plus jeunes, plus précisément ceux qui ont obtenus le B.E.P.S. avant 17 ans, et ceux qui, n'ayant pas l'âge pour se présenter à ce B.E.P.S., se sont révélés des élèves d'élite, sont sélectionnés par un concours. Les meilleurs voient s'ouvrir devant eux une porte vers l'enseignement secondaire. Nous y reviendrons. Ceux qui n'ont pas été choisis reçoivent un complément d'études primaires sérieuses pendant une année scolaire au cours de laquelle ils atteignent 17 ans.
Avoir 17 ans est en effet la condition d'entrée de nos jeunes camarades dans ce qu'on appelle les centres de perfectionnement. Dans ces centres de perfectionnement arrivent également des élèves de Tulle ayant échoué aux examens de sortie correspondants. On se rend compte que le recrutement des centres de perfectionnement est très hétérogène.
Ces centres :
à Autun, pour l'infanterie métropolitaine et coloniale et l'artillerie ;
à Saumur, pour la cavalerie et le train ;
à Versailles, pour le génie et les chars de combat.
Pendant l'année de séjour dans les centres de spécialisation de Fontainebleau, Saumur et Versailles, dont nous avons parlé dans l'article précédent ; dans les centres de perfectionnement d'Autun, Saumur et Versailles, nos jeunes camarades achèvent leur dix-huitième année : le jour où ils ont 18 ans ils doivent souscrire l'engagement volontaire de cinq années que nous connaissons tous.
L'enseignement donné dans ces centres ne participe guère à l'enseignement général. Il est presque exclusivement militaire. L'année d'étude est d'ailleurs achevée dans les centres. Les anciens reconnaîtront qu'il y a là une règle de bon sens qu'ils n'ont pas connue.
L'issue normale des centres de spécialisation et des centres de perfectionnement est, à la fin de l'année scolaire, le corps de troupe. Les jeunes camarades bénéficient de garanties d'avancement qui ne sont pas négligeables. Les titulaires du B.P.E.S.M. bien notés peuvent être nommés, à la fin des cours, caporal ou caporal-chef avec rappel d'ancienneté ; pour l'inscription au tableau d'avancement pour le grade de sergent, les élèves titulaires du B.E.P.S. ou du diplôme d'élève breveté de l'École de Tulle jouissent d'une majoration de six mois.
Si les aptitudes le permettent, le concours permet l'accès aux écoles de formation de Saint-Maixant, Saumur, Poitiers, Versailles ( Génie et Air), Vincennes, offrant, comme chacun le sait, des possibilités d'accès direct à l'épaulette.
J'ai insensiblement quitté les « enfants de troupe », et cette déviation correspond à la réalité, l'engagement à 18 ans ne bouleversant plus l'existence de l'élève comme autrefois. Je l'ai fait sans avoir parlé de l'élite des enfants de troupe. J'y reviens.
Ils entrent dans l'enseignement secondaire par concours. Cet enseignement est donné au cours secondaire de l'École d'Autun. Ce cours comprend les classes de seconde B et de première B des lycée et collèges (deux divisions de chaque classe actuellement). Il conduit à la première partie du baccalauréat. Les lauréats sont alors dirigés sur le Prytanée militaire de La Flèche en classe de mathématiques élémentaires, sanctionnée par la seconde partie du baccalauréat qui permet l'accession aux classes de préparation aux grandes écoles : l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, École de santé militaire (Lyon), École navale, École de l'air, École Polytechnique, et les grandes écoles civiles (Centrale, Mines, Normale supérieure).
Voici, sans entrer dans trop de détails, l'organisation actuelle de l'enseignement dans nos écoles, complétée par le Prytanée militaire pour les meilleurs. A propos de cette organisation, je livre à vos réflexions quelques remarques, dont quelque-unes m'ont été suggérées par des camarades :
1er Par le concours d'entrée qui n'est pas, et de loin, une simple formalité, puisque le quart des postulants seulement est admis, par concours donc, sont évidemment sélectionnés, en moyenne, les plus intelligents des candidats. Pour cette sélection même, s'est accrue la possibilité d'accéder à la carrière d'officier. Le recrutement des sous-officiers, auquel contribuaient pour une bonne part les enfants de troupe, ne serait-il pas amélioré par un élargissement de l'admission dans les écoles militaires préparatoires ?
2ème L'ouverture de l'enseignement secondaire aux meilleurs, en face des perspectives d'avantages qu'elle comporte, n'a-t-elle pas en contre-partie des risques de grosse déception ? Un élève sélectionné, par ce que meilleur que ses camarades, que la chance ne favorise pas dans la suite des études, qu'une cause fortuite peut conduire à s'engager après avoir effectué plusieurs années d'études secondaires, n'arrive-t-il pas à l'épaulette avec un certain retard sur ses camarades qui ont suivi la voie plus modeste des centres de perfectionnement et des écoles de formation ?
3ème L'enseignement secondaire ne s'ouvre que tardivement aux élèves, même aux élèves d'élite. Ils n'y débutent qu'en seconde. Ceux qui pourraient devenir candidats à l'École Polytechnique hésitent parfois en raison du fait que le nombre d'années de préparation peut être réduit pour eux par comparaison à l'ensemble des candidats ; le risque déjà grand est ainsi accru. Il faut peut-être voir dans cette crainte, la cause du fait que l'on n'a pas vu plus de nos jeunes camarades se diriger dans cette voie.
 Mais l'organisation future des écoles rendue nécessaire par la réforme générale de l'enseignement pourra tenir compte de ces remarques et supprimer les inconvénients qui en résultent. Des réformes de détail de l'organisation actuelle seraient peut-être difficiles à apporter.

Le projet de réforme de l'enseignemet et son application dans nos écoles.
Depuis longtemps, la réforme de l'enseignement était projetée. Mais la volonté d'aboutir se précipite. Le projet de loi est déposé sur le bureau de la Chambre depuis plusieurs mois ; les rapports sont prêts, la discussion doit intervenir incessamment. D'ailleurs, un commencement d'exécution est dejà intervenu, dans la mesure où le moyen des décrets ministériels pouvait le permettre.
Je passe rapidement sur le premier degré en remarquent seulement qu'il sera vivifié par transformation des classes élémentaires des lycées et collèges en écoles publiques. Il sera sanctionné par un certificat d'études primaires élémentaires dont les épreuves pourraient affrontées dès l'âge de 11 ans, l'âge normal étant de 12 ans. Ce certificat serait obligatoire pour entrer dans l'enseignement du second degré.
L'enseignement du second degré débuterait par une classe dite classe d'orientation. Après une année d'observation, à propos d'enseignements qui pourraient varier d'un trimestre à l'autre, les maîtres de cette classe formuleraient un avis qui renseignerait les familles sur les aptitudes des élèves, sur la nature des études pour lesquelles ils paraissent les mieux doués. Des expériences de classe d'orientation sont déjà en cours.
L'enseignement du second dégré bifurquerait ensuite vers trois sections appelées : section d'enseignement classique, section d'enseignement moderne et section d'enseignement technique. Deux étapes seraient prévues. L'une, qui existerait pour les trois sections, d'une durée de quatre années, sanctionnée par un diplôme d'État institué à cet effet. Une seconde étape, qui n'existerait que dans l'enseignement classique et dans l'enseignement moderne, serait sanctionnée par le baccalauréat. L'organisation des concours d'accès aux grandes écoles serait naturellement mise en harmonie avec l'organisation précédente.
Ce résumé est suffisant pour montrer l'esprit de simplification qui a présidé à son élaboration et pour apercevoir les modifications raisonnables que son adoption pourrait entraîner dans nos écoles. Il me semble normal de penser que nos jeunes camarades ne devraient débuter à l'école militaire préparatoire au milieu du cycle d'études ou la quitter dans les mêmes conditions.
Aussi, voici un schéma d'organisation que notre Association, après en avoir discuté pourrait communiquer à la direction de nos écoles au ministère de la Défense nationale, à titre d'exemple de projet. Nous continuerons ainsi, pour le plus grand profit de nos jeunes camarades, la collaboration amicale de l'Association et des services du ministère de la Défense nationale, collaboration que nous nous réjouissons de voir toujours accueillie avec beaucoup de sympathie. Nous profitons de l'occasion pour adresser nos vifs remerciements à tous ceux qui ont été ou sont responsables de cet accueil.
Les candidats de nos écoles militaires préparatoires seraient sélectionnés par concours entre les élèves ayant accompli l'année d'études de la classe d'orientation. Ils auraient donc généralement 13 ans, exceptionnellement 12 ans.
Ceux qui désireraient, ou ceux que leurs aptitudes conduisent vers l'enseignement technique seraient dirigés vers Tulle qui resterait une école d'enseignement technique. Mais la durée des études y seraient portée aux quatre années prévues dans l'organisation générale de l'enseignement technique.
Les autres seraient dirigés vers Les Andelys, Billom ou Epinal qui deviendraient des écoles d'enseignement du second degré, section moderne, premier cycle. La durée normale des études y seraient de trois années : ces études seraient sanctionnées par le diplôme d'État créé.
L'âge normal serait alors de 16 ans révolus.
Ceux qui n'auraient pas obtenu le diplôme et ceux qui, ayant le diplôme, ne seraient pas aptes à poursuivre des études générales, rejoindraient les centres de perfectionnement ou de spécialisation, en vue de leur incorporation dans un corps de troupe.
Ceux qui auraient obtenu le diplôme et qui auraient les aptitudes suffisantes seraient dirigés sur Autun où serait organisé le second cycle de l'enseignement de second degré. La sélection faite, les résultats obtenus jusqu'ici, qui peuvent avantageusement être comparés à ceux des meilleurs lycées, justifieront la nomination d'agrégés à l'École d'Autun.
De plus, nous voudrions que l'enseignement dans l'ensemble des écoles militaires préparatoires soit considéré comme un tout, dont les éléments sont pour diverses raisons disséminés en divers points du Pays. Il en résulte qu'il nous semblerait utile qu'il existât, à l'intérieur de la direction générale de nos écoles au ministère de la Défense nationale, une inspection commune des études, comme il existe dans chaque établissement, un professeur principal, auprès du commandement militaire, comme conseiller technique en ce qui concerne l'enseignement. Je suis persuadé que le travail délicat de la direction des écoles au ministère de la Défense nationale en serait facilité. Ce ne serait d'ailleurs pas le seul, ni même le principal avantage. L'exécution des instructions données pourrait être constatée ; les expériences faites sur les nouvelles méthodes d'instruction et d'éducation pourraient être suivies de près, leurs résultats sérieusement comparés : les conclusions que l'on pourrait en tirer en seraient plus sûres. Enfin la liaison avec le ministère de l'Education nationale pourrait être plus étroite : au bénéfice de nos écoles qui pourraient avoir leurs besoins mieux connus et mieux satisfaits, au bénéfice de l'Éducation nationale qui pourrait être mieux renseignée sur les résultats obtenus dans nos écoles et s'en servir pour perfectionner l'organisation générale. Le profit que la Nation peut en tirer vaut la peine de tenter l'essai.
Volontairement je suis resté dans les grandes lignes d'un projet d'organisation. J'ai suivi en cela l'exemple qui m'était fourni par le projet de réforme déposé sur le bureau de la Chambre. La discussion sur ce projet, les décrets d'administration publique qui suivront l'adoption du projet de loi fixeront certains détails de l'organisation à réaliser. Il n'est donc pas pas opportun d'envisager ces détails maintenant. Un certain nombre d'autres détails concerneront plus précisément la réorganisation corrélative des écoles militaires préparatoires. Je soumettrai en temps opportun à votre réflexion, pour avis, ceux qui m'auront été communiqués et ceux qui me seront personnels. Je suis à la disposition de ceux qui désireraient des renseignements concernant les questions que j'ai traitées dans ces quelques articles. Mais encore une fois, je fais appel à la collaboration de tous ceux qui s'intéressent à ces questions. J'ai le bon espoir que nous pourrons ainsi rendre service à nos jeunes camarades qui formeront d'ailleurs demain l'Association des A.E.T.


Signé E.F.

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