1924 (1) : Le programme des concerts à venir, une première, échos de la fête patronale, la fête nationale, brevet de préparation militaire, les enfants de Paris, la distribution des prix.

Inauguration du monument aux morts.


Une manifestation inconvenante :
L'inauguration d'un monument aux morts ne doit pas être un prétexte à polémiques politiques ou religieuses.
Dimanche dernier avait lieu aux Andelys l'inauguration du monument aux morts de l'École militaire préparatoire de cette quiète petite ville.
Dans une pensée de pacification, il avait été prévu des services religieux des cultes Catholique et protestant. La véritable cérémonie, l'inauguration du monument, devait avoir lieu ensuite, dégagée de toute préoccupation d'ordre confessionnel.
Ainsi l'avait entendu le conseil municipal des Andelys. Ainsi l'avait compris le pasteur protestant. Autrement a voulu la comprendre le clergé catholique.
Au cours de l'office catholique, célébré avec une pompe toute militaire, — tambours et clairons sonnant à l'Élévation, s'il vous plaît — un prédicateur crut devoir prononcer, non pas un sermon, non pas une oraison funèbre, mais un véritable discours de réunion publique.
On entendit des choses comme celles-ci :
« Avant 1914, la France était infidèle, oublieuse de sa tradition. Elle parlait, par la bouche de ses gouvernants, de paix, de mieux- être ...
Dieu l'a punie, mortifiée, flagellée. Elle a saigné par mille blessures. Ses sanctuaires ont été violés ou détruits...
Mais, comme Dieu l'aime bien tout de même, et parce qu'elle avait enfin la chance d'avoir des chefs glorieux et chrétiens, Il a permis qu'elle fut sauvée et victorieuse, malgré la trahison infâme de l'intérieur...
Il fallait pour mériter et exploiter cette victoire octroyée continuer, suivre les voies marquées par le Seigneur, c'est-à-dire revenir au catholicisme intégral...
Mais qu'a-t-on fait ? Voilà que nous perdons la route, le phare s'éteint, les persécutions religieuses vont reprendre ; nos droits sont abandonnés ; l'esprit catholique est combattu...
Qu'allons-nous devenir ?
La France est immortelle, c'est entendu, et elle ne sera pas consumée ; mais Dieu pourra la brûler encore ... ».

Les auditeurs stupéfaits attendaient vainement des paroles de pitié pour les pauvres gosses morts dont on consacrait le sacrifice. Hélas ! L'orateur sacré les oublia comme il oublia leurs parents.
Cette, homélie batailleuse à elle seule était un scandale.
Pourquoi a-t-il fallu que ce scandale s'aggravât du fait de M. Josse, sénateur.
M. Josse, qui fut lieutenant-colonel de réserve, et qui n'est même pas orfèvre, crut bon d'ajouter aux provocations du clergé.
Il parla avec âpreté des trahisons dont l'intérieur était infecté durant la guerre.
Il jura avec solennité de ne pas voter l'amnistie. Il jura bien d'autres choses dont personne ne le priait.
Il eût mieux fait de jurer de se tenir tranquille.
La seule note apaisante fut donnée par un officier supérieur, le commandant breveté d'état-major Bourret, représentant M. Bénazet commissaire général de la Guerre.
M. le commandant Bourret parla avec émotion des morts. Et il tira la juste leçon de leur sacrifice :
« A ceux qui sont tombés en héros, dit-il, pour la défense de nos liberté et dont beaucoup furent nos amis d'enfance comme nos compagnons d'armes, nous apportons l'hommage ému de notre admiration et de notre reconnaissance. Leur mémoire survivra et leurs cadets s'instruiront à leur exemple.
Ces jeunes qui m'écoutent sauraient sûrement, comme leurs aînés, donner leur vie pour défendre la France.
Ils auront à traverser, nous voulons l'espérer, des temps heureusement moins tragiques que ceux que nous avons vécus. Mais si les horreurs de la guerre leur sont épargnées, les batailles de la vie les attendent, il faut être fort pour les affronter, et le travail seul rend fort.
Travaillez donc, mes chers amis. Vous avez maintenant le bonheur de pouvoir franchir, par la seule sélection du mérite, tous les échelons qui mènent de l'enseignement primaire à l'enseignement supérieur ».
Cet hommage si simple, cette leçon si vraie, s'opposent curieusement au sermon du représentant ecclésiastique, et au discours de M. Josse.
Le sermon surtout est une véritable provocation du mauvais goût le plus insigne. Les républicains qui font preuve de tolérance en toutes circonstances doivent être aujourd'hui fixés par le prédicateur des Andelys sur les véritables sentiments que l'Église nourrit à leur égard.
Que l'Église veuille combattre la. République, peu nous en chaut. Tout ce que nous lui demandons, à elle et à ses représentants, c'est de respecter le culte des morts, et la neutralité.
Le scandale des Andelys n'est pas de ceux qu'on renouvelle deux fois impunément.


JO La Lanterne 9/07/1924 p 2

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.